Le choix d'une femme libre

Publié le par Titi

Quelques personnages

Lucrèce Cerjac: journaliste à Paris originaire de Bordeaux
Claude Eric Valère: grand patron de presse.
Fabian Cartier: Chirurgien et amant de Lucècre à Bordeaux.

Résumé

Voilà sept ans que Lucècre a quitté Bordeaux pour la Capitale. A trente-deux ans, la jeune femme a gagné ses paris: elle est devenue une journaliste reconnue et a réussi de s'imposer dans un milieu encore très masculin.

Toujours aussi brillante et passionnée, elle fait également tourner les têtes, y compris celle de Claude-Eric Valère, grand patron de presse.

Mais elle n'est pas du genre à se laisser dompter. Tout en multipliant les aventures, elle poursuit sa liaison avec le célèbre chirurgien Fabian Cartier, privilégiant son indépendance.

Pourtant, quand elle croise le seul homme qu'elle ait vraiment aimé, subit le harcèlement de Valère et découvre qu'elle est enceinte, Lucècre commence à douter de son choix de vie...

Extrait du premier chapitre 

Décembre 1993

L’avi"on atterrit à Mérignac avec une bonne demi-heure de retard. Comme elle n’avait aucun bagage à récupérer sur le tapis roulant, Lucrèce se précipita hors de l’aéroport et sauta dans le premier taxi disponible.

Un soleil pâle tentait encore de percer la brume, mais il ne tarderait plus à disparaître. Même s’il faisait moins froid à Bordeaux qu’à Paris, l’hiver était bien là à présent, et la nuit venait tôt.

Tandis que le chauffeur s’engageait sur la rocade, Lucrèce se mit à jouer distraitement avec la bandoulière de son sac. Pourquoi cet appel de son père la rendait-il si nerveuse ? Parce que c’était la toute première fois qu’il la réclamait ? Depuis des années, leurs rapports étaient inexistants. Après la rancune, une sorte d’indifférence réciproque s’était installée, qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre cherché à rompre.

Derrière la vitre du taxi, le paysage défilait, familier. Chaque fois qu’elle revenait à Bordeaux, Lucrèce se sentait de nouveau chez elle, et chaque fois qu’elle en repartait, elle éprouvait une bouffée de mélancolie. Pourtant, elle menait exactement la vie qu’elle voulait à Paris. Au journal, elle signait souvent l’éditorial, et le nom de Lucrèce Cerjac commençait à compter dans le monde de la presse. Son agenda était surchargé de rendez-vous, d’invitations qui lui laissaient rarement l’occasion de passer une soirée seule. Elle connaissait une foule de gens passionnants, exerçait son métier en toute liberté, et quelques reportages au bout du monde lui avaient même donné le goût des voyages. Mais ses racines demeuraient solidement plantées là, au bord de la Gironde, dans cette ville hautaine et fascinante où elle était née.

Elle constata qu’ils arrivaient déjà dans le centre, par la rue des Frères-Bonie. Place Pey-Berland, elle se pencha pour apercevoir les fenêtres de l’appartement de Fabian, dont les volets étaient fermés. À son retour de New York, il serait très déçu de savoir qu’elle était venue en son absence.

Fabian… Penser à lui la troublait toujours autant, et elle ressentit un regret aigu à l’idée de ne pas pouvoir se retrouver dans ses bras le soir même.

— Nous y voilà, annonça le chauffeur en s’arrêtant cours Victor-Hugo.

Elle lui fourra un billet dans la main, descendit sans attendre la monnaie. Debout sur le trottoir, elle resta quelques instants immobile, perdue dans la contemplation de l’élégante façade XVIIe. Malheureusement, la maison de son enfance était un endroit où ni elle ni son frère Julien ne mettaient plus les pieds qu’avec réticence. Ils y avaient pourtant connu des années heureuses, avant le divorce de leurs parents, avant que leur père ne se remarie avec l’insupportable Brigitte, avant qu’il ne leur inflige ces demi-soeurs trop gâtées avec lesquelles il s’était cru obligé de bêtifier pour plaire à sa jeune épouse. Et ses nouveaux enfants avaient comme effacé les anciens, un clou chassant l’autre. Quelle considération Lucrèce aurait-elle pu garder pour lui ? Il ne s’était plus soucié d’eux du jour où ils étaient partis, avec leur mère, vivre ailleurs. Il n’avait pas proposé à Julien d’entreprendre des études, n’avait pas pris ombrage de le savoir moniteur d’équitation dans un club hippique tandis que, de son côté, Lucrèce trouvait à dix-huit ans un emploi de caissière dans un supermarché pour financer sa formation de journaliste. Quant à leur mère, qui n’avait même pas exigé de prestation compensatoire, elle végétait dans une minuscule librairie depuis qu’elle avait été rejetée au profit de Brigitte.

Devant la porte cochère, Lucrèce marqua une ultime hésitation. Au téléphone, la veille, la voix de son père l’avait inquiétée. Il s’était fait pressant, presque suppliant, ce qui ne lui ressemblait guère, et elle avait décommandé un rendez-vous très important pour pouvoir le rejoindre au plus vite. Malgré leur différend et tout ce contentieux entre eux, Guy Cerjac restait son père, jamais elle ne pourrait s’empêcher tout à fait de l’aimer. D’un geste résolu, elle appuya sur le bouton de la sonnette et entendit résonner dans les profondeurs de la maison le ridicule carillon Westminster installé par Brigitte. Presque aussitôt, la porte s’ouvrit en grand.

— Ah, te voilà !

Dans la pénombre du hall, elle découvrit la silhouette amaigrie de son père, mais elle n’eut pas le temps de s’étonner car il la saisit par les épaules, d’un geste affectueux, et l’attira à l’intérieur. Il était enveloppé d’une robe de chambre beige qui lui donnait très mauvaise mine.

— Tu es malade, papa ? s’enquit-elle d’un ton inquiet.

— Non, plus maintenant. Juste convalescent… Une pneumonie assez sérieuse m’a cloué au lit pendant près de dix jours, tu te rends compte ?

Publié dans Romans de F. Bourdin

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